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au bord du lac.

Jusqu’alors, le résultat était demeuré incertain ; mais l’arrivée d’une nouvelle troupe sortie de la ville, décida la fuite des Anglais.

Jehan les poursuivit quelque temps avec les gens d’armes qui n’avaient point perdu leurs chevaux. Mais enfin la nuit arriva, et se trouvant presque seul il tourna bride vers Paris.

Il suivait les prairies au petit pas, lorsque des gémissements étouffés le frappèrent ! Mettant aussitôt pied à terre, et se dirigeant vers l’endroit d’où les plaintes semblaient venir, il trouva un chevalier étendu sur le sol sans mouvement. Jehan le souleva avec effort, déboucla son armure et réussit à lui rendre le sentiment.

Le chevalier lui apprit alors qu’ayant voulu poursuivre les ennemis, quoique blessé, la force l’avait abandonné en chemin, et qu’il était tombé évanoui. Prenant Jehan pour un homme d’armes, il le pria de lui céder son cheval, lui indiquant la maison qu’il habitait à Paris, et proposant de lui laisser en gage son éperon d’or. Jehan refusa le gage, mais donna le cheval en disant qu’il irait le réclamer, et le gentilhomme partit.

L’essai que venait de faire le jeune serf lui avait appris qu’il ne manquait point de courage, et le succès lui avait laissé une exaltation orgueilleuse qui lui parut aussi agréable que nouvelle. Il aimait l’espèce d’égalité que le combat établit entre tous les combattants, la terrible liberté laissée à chacun, ces émo-