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Page:Souvestre - Au bord du lac, 1852.djvu/133

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au bord du lac.

mauvaise foi de l’autre ; des explications on passa aux injures, et des injures aux armes.

Le duc fut le premier à faire sa déclaration de guerre, il entra sur le territoire de son voisin, détruisit les moissons, brûla les villages et tua le plus qu’il put de ses gens.

Le comte Raoul, voulant user de représailles, convoqua ses vassaux ; et Jehan, qui venait de perdre son père, se rendit en armes au lieu indiqué.

Le comte partagea ses hommes en plusieurs troupes qu’il plaça sous le commandement d’hommes d’armes auxquels il avait donné ses instructions secrètes. Le jeune marchand fit partie de la plus nombreuse de ces troupes, et au moment où nous reprenons notre récit, il se dirigeait avec elle vers Clairai.

Les vassaux de messire Raoul marchaient en désordre, jetant de tous côtés des regards inquiets comme s’ils eussent craint quelque embûche et se demandant tout bas quel était le but de leur expédition. Jehan, qui allait derrière, fut tout à coup accosté par un pêcheur de l’étang de Rillé, qui, en qualité de vassal et fermier du comte, avait aussi été forcé de marcher.

— Eh bien, demanda-t-il à voix basse, sais-tu ce qu’on veut faire de nous ?

— Rien de bon, sans doute, répondit Jehan.

— J’ai idée que nous pourrions bien traiter Clairai comme le sire de Vaujour a traité nos villages.

— Qu’y gagnerons-nous, sinon de ruiner des parents et des amis ? répliqua Jehan.