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au bord du lac.

Dieu ? Combien sont morts déchirés par les bêtes ou par les verges du bourreau, avant que l’esclave antique soit devenu un serf de nos temps ! N’accusez point la Providence ; mais admirez au contraire comme elle a donné à chaque génération sa tâche et à chaque temps son progrès. L’esclave n’avait autrefois de refuge que dans la tombe ; aujourd’hui le serf trouve parmi nous une retraite. Ah ! ne nous plaignez pas, frère ; mais songeons seulement à hâter la régénération du monde.

— Et comment cela ? demanda Jehan.

— En prêchant l’affranchissement de toutes nos forces, répondit le moine ; en faisant comprendre aux puissants, près de paraître devant Dieu, que ce Dieu ne connaît ni seigneurs ni manants ; en faisant enfin disparaître partout la possession de l’homme par l’homme, dernier héritage d’un paganisme inique et brutal.

— Ah ! que Dieu vous entende, s’écria Jehan, et qu’il me fasse la grâce de travailler à une telle œuvre !

— Vous le pouvez, répliqua le moine ; car vous avez revêtu la livrée des travailleurs.

— Et vous espérez la réussite, mon frère ?

— Je compte sur la parole du Christ, dit le moine, et le Christ a dit : Bienheureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.