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le chevrier de lorraine.

était destinée à elle-même, et se retira dans le coin du foyer où elle se mit en prières.

Nul ne fit de remarques sur cette espèce de substitution d’un convive étranger à la jeune paysanne, car elle y avait depuis longtemps habitué tout le monde. Sachant sa famille trop pauvre pour donner et ne voulant point que sa propre générosité retranchât quelque chose au nécessaire des autres, elle ne faisait jamais aumône que de ce qui lui serait revenu à elle-même, abandonnant au pauvre qu’elle avait fait entrer sa place à table et son lit de paille.

Seulement, lorsque Remy eut pris place avec la famille près du foyer où l’on avait jeté quelques rameaux, autant pour égayer le regard que pour combattre la fraîcheur du soir, elle recommença à l’interroger sur ce qu’on lui avait dit des affaires de France. Remy répéta les bruits recueillis en chemin, et, à la nouvelle de chaque désastre, la paysanne poussait un soupir et croisait les mains.

— Ah ! si les jeunes filles pouvaient quitter la quenouille et le soin des troupeaux, disait-elle, peut-être que le grand Messire aurait égard à leur piété et leur accorderait la victoire qu’il refuse aux plus forts.

Mais à ces mots le vieux père secouait la tête et répondait :

— Ce sont de folles pensées que vous avez là, Romée ; songez plutôt à Benoist de Toul qui espère trouver en vous une femme honnête et laborieuse : nous ne pouvons rien aux affaires de ce monde, et c’est à