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le chevrier de lorraine.

l’enlever ; mais me jurez-vous que vous n’employez pour cela ni charmes ni magie ?

Le moine haussa les épaules.

— Jurez, reprit le soldat vivement ; par les cinq cents diables ! je suis bon chrétien, et j’aimerais mieux perdre ma jambe que mon âme !

Pour toute réponse, le frère Cyrille fit le signe de la croix avec la compresse, et commença le Credo à haute voix. L’archer attendit qu’il l’eût achevé ; puis, poussant un soupir de soulagement, il étendit la jambe et se laissa panser sans autre observation.

Ce soudard était évidemment d’une nature très-communicative, et pendant que l’on soignait sa blessure, il se fit connaître au frère Cyrille. Son nom était Richard ; mais, selon l’usage des soldats du temps, il avait substitué à ce nom une phrase prise dans les psaumes, et se faisait appeler Exaudi nos. Il venait d’arriver à Vassy, et dans son empressement de consulter le frère Cyrille, il était accouru au couvent à jeun. Le moine comprit l’intention de cette confidence, et envoya Remy à l’office pour chercher une portion d’étranger avec un pot de vin destiné aux malades.

Cette attention acheva de lui gagner le cœur de l’archer qui devint encore plus communicatif, et se mit à raconter comment il se rendait en Lorraine avec un messager du roi, nommé Collet de Vienne, lequel apportait des dépêches au sire de Baudricourt, gouverneur de la ville de Vaucouleurs.