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au bord du lac.

L’histoire de cette pauvre femme était à peu près celle de toutes ses compagnes. Elle avait vu mourir à ses côtés son mari et l’aîné de ses fils ; puis, elle et le plus jeune avaient été faits prisonniers. Mais les pertes douloureuses qu’elle avait faites n’avaient diminué en rien l’activité de sa sollicitude maternelle ; elle oubliait ses chagrins pour ne songer qu’à son enfant. Sans doute elle avait plus et mieux aimé que les autres, car il n’y a que les cœurs d’élite qui restent ainsi dévoués et forts aux heures d’agonie.

Cette femme s’appelait Norva. Son fils Arvins, âgé d’une douzaine d’années, marchait silencieusement auprès d’elle. Son pas ferme et grave, sa résignation muette, son expression calme attestaient fortement son origine. Les mains passées dans la ceinture de sa braie, la tête droite, l’œil triste, mais sec, il suivait, sans proférer une seule plainte, ceux qui marchaient devant lui ! Et cependant, il y avait encore, au milieu de sa jeune force, assez de la fragilité de l’enfance, pour que ses pleurs ne pussent être accusés de faiblesse. Lui aussi sans doute puisait son courage dans la vue de sa mère ; car quand leurs yeux venaient à se rencontrer, il portait la tête plus haut et appuyait le pied plus solidement sur la terre.

Il souffrait cependant cruellement, car il songeait au passé, et ses compagnons lui avaient fait comprendre ce que serait l’avenir ! Mais il sentait que ce passé renfermait encore pour sa mère de plus cuisants