Page:Souvestre - Au bord du lac, 1852.djvu/188

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
175
le chevrier de lorraine.

supposait une longue et heureuse destinée ? Frère Cyrille ne pouvait s’habituer à la pensée que tant d’espérances allaient être moissonnées dans leur fleur ; il s’indignait et se désolait tour à tour. Il priait Dieu avec ferveur ou repassait le thème calculé pour Remy : le Taureau se montrait toujours hostile ; mais, toujours aussi, Mars et la Vierge promettaient leur influence favorable. Frère Cyrille flottait malgré lui entre l’espoir et la crainte, et cependant la crainte augmentait d’instant en instant !

Une partie de la nuit était déjà écoulée ; l’heure désignée pour le supplice approchait, toute chance de salut paraissait perdue ! Tout à coup une lueur rougeâtre brille au dehors ; elle devient plus vive, elle grandit ; une immense clameur s’élève : c’est le feu ! Ses reflets étincelants éclairent les murailles ; on entend le mugissement des flammes, le craquement des charpentes ! Le geôlier accourt ouvrir les portes des cachots en criant que le feu est au quartier des juifs, placé derrière la prison. Le moine se précipite dans les corridors étroits, il appelle Remy ; une voix qui prononce son nom lui a répondu : tous deux se cherchaient, et tous deux se rencontrent à l’entrée du préau réservé. La porte est ouverte ; ils s’y précipitent, traversent une seconde cour, s’élancent dans la rue et courent devant eux en se tenant par la main.

Mais leur course les rapproche de l’incendie ; ils sont heurtés d’abord par les malheureux qui fuient