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au bord du lac.

— Par le ciel ! mon révérend, vous confessez les gens sans qu’ils s’en doutent, dit-il avec une gaieté effrontée.

— Tais-toi, sacrilège ! s’écria le moine dont l’indignation avait étouffé l’indulgence habituelle ; faut pèlerin, fabricant impie de reliques menteuses, peux-tu oublier les peines éternelles qui doivent punir ton imposture dans l’autre monde ?

— J’aime mieux me rappeler les profits qui récompensent ma peine dans celui-ci, répliqua Nicolle avec effronterie. Par tous les diables ! mon révérend, vous êtes mal venu à me reprocher de vivre de tromperies quand l’honnêteté vous fait mourir de faim. J’ai été clerc de bazoche, puis chantre de paroisse, et j’étais vêtu d’un mauvais habit de retondaille, nourri de fromage de chèvre et de pain d’orge à la paille ; j’ai voulu ouvrir à Auxerre boutique d’épicerie, les soudards ont pillé les marchandises qu’on m’envoyait, et il a fallu attacher une bannière sur mon pignon[1]. Ne pouvant subsister de mon travail, je me suis donc décidé à subsister de mes ruses ; la faute n’en est point à moi, mais à ceux qui m’y ont forcé.

— Hélas ! c’est la vérité, ajouta la femme chez qui l’industrie du faux pèlerin éveillait évidemment des scrupules, mais qui eût voulu l’excuser aux yeux du moine ; Nicolle n’a point choisi son métier, et si on peut lui reprocher l’argent qu’il gagne, du moins

  1. C’était une indication de banqueroute.