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Page:Souvestre - Au bord du lac, 1852.djvu/224

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l’apprenti.

mais tu as du courage, Frédéric, et Dieu a dit qu’il fallait s’aider soi-même.

Frédéric regarda sa mère avec anxiété : le pain leur avait souvent manqué, et jamais elle ne lui avait parlé ainsi. Il fut effrayé de sa pâleur et de son abattement. Cependant il retint les pleurs qui lui venaient aux yeux ; il s’approcha d’elle, l’engagea à se coucher, et lui dit qu’il allait se rendre chez M. Kartmann.

Mais l’avance qui fut faite par celui-ci suffit à peine pour satisfaire pendant quelques jours aux premiers besoins, et bientôt tout manqua de nouveau à la pauvre famille.

Le 20 janvier, la mansarde de la veuve Kosmall était encore plus froide que de coutume ; l’œil aurait en vain cherché une étincelle dans le poêle entr’ouvert ; seulement, deux cierges brûlaient sur une mauvaise table vermoulue placée auprès du lit, et on entendait encore dans la rue le bruit argentin de la sonnette qu’un enfant de chœur agitait devant le saint viatique. La mourante venait de recevoir les derniers secours de la religion. Ses deux fils étaient à genoux près d’elle. Frédéric paraissait absorbé par la douleur ; François, l’aîné, pleurait aussi, mais on sentait que ces pleurs n’étaient dus qu’à l’émotion du moment, et à travers cette affliction passagère il était facile d’entrevoir l’insouciance et l’insensibilité.

Peu après le départ du prêtre, l’agonisante essaya de se soulever, et fit signe à ses deux enfants de l’écouter avec attention : puis, avançant vers eux ses bras