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au bord du lac.

fiertés, celle du vieux druide Morgan se faisait surtout écouter.

— Ne montrons point lâchement les blessures de nos cœurs aux ennemis, répétait-il d’un accent calme et fort ; après avoir versé notre sang devant eux, ne leur donnons pas la joie de voir encore couler nos pleurs. Quelles que soient les misères que ce peuple nous tienne en réserve, aucune agonie ne pourra être aussi cruelle pour nous que celle que nous avons éprouvée quand on nous a arrachés de force du sol paternel. Puisons donc du courage dans cette pensée que nous avons désormais subi les plus dures épreuves. Que les femmes elles-mêmes, si de nouvelles douleurs viennent les atteindre dans leurs enfants, ne laissent échapper aucun cri, et que le cœur de l’Armoricaine soit assez grand pour ensevelir toutes les larmes de la mère !

Le regard de Morgan planait sur ceux qui l’entouraient avec une expression de sublime commandement ; mais quand il vint à rencontrer les yeux de Norva qui se fixaient avec anxiété sur son fils, une ombre de pitié le traversa, et sa voix passa subitement à un accent plus doux.

— Norva, dit-il, tu es la femme d’un chef ; songe que du palais de nuages qu’il habite maintenant, mon frère te regarde : ne le fais pas rougir aux yeux des héros.

— Je tâcherai, répondit la mère.

— Et toi, enfant, ajouta le vieillard en se tournant vers Arvins, toi qui dans quelques heures peut-être ne