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au bord du lac.

— Mais ne pouvez-vous donc vous faire rendre justice ?

— La justice se rend toujours contre nous, garçon, par la raison que les juges sont nobles pour la plupart, et que la noblesse est l’ennemie naturelle de la bourgeoisie, eh ! eh ! eh ! Les serfs se plaignent ; mais ils sont moins persécutés que nous. Le seigneur les ménage généralement comme une chose à lui, tandis qu’il nous traite comme des prisonniers qui lui ont échappé ; il semble que notre indépendance soit un vol fait à son autorité ; aussi, Dieu sait que de dénis de justice, de manques de foi, de taxes et d’amendes ! Les plus honnêtes gentilshommes ne regardent l’or qu’ils peuvent soutirer à des bourgeois que comme une restitution, eh ! eh ! eh !

— Mais, du moins, vous êtes libres !

— Oui, à condition de nous soumettre aux lois de notre corporation, de subir les règlements de la commune, d’obéir aux ordres du seigneur dont nous sommes les vassaux. Notre liberté, vois-tu, ressemble à celle du soldat qui doit garder les rangs, porter ses armes d’une certaine façon, et obéir à tous ses officiers.

— Ah ! vous avez raison, maître, la vraie liberté ne peut être que là où il y a une seule loi pour tous, et une loi qui ne défende que ce qui nuit au plus grand nombre.

— Aussi, sommes-nous obligés de ruser, reprit Laurent. Ne pouvant aller droit en avant, nous ser-