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Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1859.djvu/100

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selle Romain n’avait été ni une parente, ni une compagne de jeux ; mademoiselle Romain n’était qu’une vieille voisine, mercière à l’enseigne du Bon-Pasteur !

Mais aussi quelle voisine ! et comment l’oublier ? Qui pouvait l’avoir vue au fond de sa petite boulique obscure sans se rappeler sa haute chaise à patins, sa chaufferette de terre, ses grandes aiguilles à tricot, et son visage souriant sous les rides de la laideur.

Car Dieu, qui avait été sévère pour mademoiselle Romain, l’avait fait naître pauvre, maladive et disgraciée ! Elle eût pu se plaindre de la part qui lui avait été faite ; elle aima mieux y chercher le peu de bien qui s’y trouvait caché ! Son indigence lui interdisait les plaisirs, elle l’accepta comme une sauvegarde contre les excès ; ses souffrances étaient sans trêve, elle y trouva un utile enseignement de patience ; sa laideur lui ôtait l’espoir d’être aimée, elle s’en dédommagea en aimant les autres !

Puis, Dieu n’avait point été pour elle sans pitié ! À défaut de bonheur, il lui donna un grand devoir à remplir. Mademoiselle Romain avait un père paralytique, dont elle devint le seul appui ! Le corps du vieillard n’était plus qu’un cadavre insensible, mais la tête continuait à penser, le cœur battait toujours ! Incapable de se faire à lui-même l’aisance ou la misère, il était encore capable de les recevoir et de les sentir.

Sa fille le comprit, et résolut de lui conquérir tout ce qu’il pouvait espérer de joie. Elle réunit ses dernières ressources, acheta quelques marchandises, et vint s’établir au Bon-Pasteur !

La boutique était petite, et bien des rayons restaient vides ; mais la sainte fille avait la foi des grands cœurs !