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Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1859.djvu/102

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semblait lui offrir réunis à dessein, elle ajouta dans sa pensée ;

« C’est mon frère ! »

Et l’enfant ne la quitta plus.

Quand Marthe et Maurice la connurent, le vieillard et l’idiot vivaient encore près d’elle, heureux par son travail et sa tendresse. La boutique était toujours aussi petite, les rayons à peine mieux garnis ; mais tout le monde connaissait mademoiselle Romain et lui achetait. Les vieillards se découvraient les premiers à sa vue, les jeunes gens la saluaient comme si elle eût été belle, et les mères apprenaient à leurs enfants à la reconnaître. Que de fois Maurice et Marthe avaient passé devant l’étroit vitrage de sa boutique en se tenant par la main, et rien que pour la voir !

« C’est la bonne demoiselle ! disaient-ils à demi-voix, celle à laquelle il faut ressembler. »

Et ils la saluaient par son nom, et, quand elle leur avait répondu, ils continuaient leur route, fiers et attendris, en se promettant tout bas de l’imiter.

Ah ! qu’étaient toutes les richesses entassées dans les galeries de Sans-Pair auprès de cette humble boutique, dont la vue formait un enseignement ? Qu’étaient ces milliers de commis auprès de la pauvre femme qui, rien qu’avec son courage, avait soutenu deux existences et sauvé deux âmes ? Hélas ! que Dieu l’eût fait naître plus tard, au milieu d’une société plus éclairée, elle eût en vain travaillé et espéré ! La bonne volonté ne tenait plus lieu de capital !

Avant de ramener chez lui ses deux hôtes, l’académicien voulut leur donner une idée de la magnificence de