Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1859.djvu/30

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le célèbre M. Atout, qui avait pour spécialité d’être universel. Il représentait à lui seul vingt-huit citoyens, c’est-à-dire qu’il touchait les rétributions de vingt-huit places ; la liste de ses titres couvrait une page in-quarto, et il portait autant de croix qu’une mule espagnole de clochettes. M. Omnivore le présenta seulement comme secrétaire perpétuel de la société historique, professeur de littérature, président du conseil universitaire, directeur de toutes les écoles normales, et membre de quatorze mille sept cent trente-quatre comités.

M. Atout, qui venait d’apprendre la résurrection du couple français, le salua avec la dignité d’un homme affilié à trop d’académies pour que rien ne l’étonnât.

Après les premières politesses, il adressa à Maurice plusieurs questions destinées à prouver ses études historiques et littéraires. Il lui demanda s’il avait connu Charlemagne, madame de Pompadour et M. Paul de Kock, trois grandes figures appartenant à la troisième race des rois de France, et l’interrogea longuement sur le connétable de Louis XVIII, Napoléon Bonaparte, dont l’histoire avait été écrite par le révérend père Loriquet. Maurice, d’abord étourdi, allait essayer de répondre, mais M. Atout ne lui en laissa point le temps ; il en vint, sans plus longues transitions, du passé au présent, et commença une leçon sur l’état de la terre en l’an trois mille.

Nos ressuscites l’écoutèrent avec d’autant plus d’attention qu’ils avaient tout à apprendre. Le professeur leur déclara qu’ils se trouvaient au centre même du monde civilisé, dont les différents peuples ne formaient plus qu’un État sous le nom de République des Intérêts-