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Page:Souvestre - Un philosophe sous les toits, 1854.djvu/150

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être ; chacun est quelque chose dans le tout.

Rien de semblable pour l’homme à l’état de nature ; chargé seul de lui-même, il faut qu’il suffise à tout : la création est sa propriété; mais il y trouve aussi souvent un obstacle qu’une ressource. Il faut qu’il surmonte ces résistances avec les forces isolées que Dieu lui a données ; il ne peut compter sur d’autre auxiliaire que la rencontre et le hasard. Nul ne moissonne, ne fabrique, ne combat, ne pense à son intention ; il n’est rien pour personne. C’est une unité multipliée par le chiffre de ses seules forces, tandis que l’homme civilisé est une unité multipliée par les forces de la société tout entière.

Et l’autre jour pourtant, attristé par quelques vices de détail, je maudissais celle-ci et j’ai presque envié le sort de l’homme sauvage.

Une des infirmités de notre esprit est de prendre toujours la sensation pour une preuve, et de juger la saison sur un nuage ou sur un rayon de soleil.

Ces misères, dont la vue me faisait regretter les bois, étaient-elles bien réellement le fruit de la civilisation ? Fallait-il accuser la société de les avoir