Page:Souvestre - Un philosophe sous les toits, 1854.djvu/189

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Cependant le sort l’a cruellement éprouvé. Le père Chaufour n’est plus qu’une ruine d’homme. À la place d’un de ses bras pend une manche repliée ; la jambe gauche sort de chez le tourneur, et la droite se traîne avec peine ; mais au-dessus de ces débris se dresse un visage calme et jovial. En voyant son regard rayonnant d’une sereine énergie, en entendant sa voix dont la fermeté est, pour ainsi dire, accentuée de bonté, on sent que l’âme est restée entière dans l’enveloppe à moitié détruite. La forteresse est un peu endommagée, comme dit le père Chaufour ; mais la garnison se porte bien.

Décidément, plus je me rappelle cet excellent homme, et plus je me reproche l’espèce de malédiction que je lui ai jetée en me réveillant.

Nous sommes, en général, trop indulgents pour ces torts secrets envers notre prochain. Toute malveillance qui ne sort pas du domaine de la pensée nous semble innocente, et, dans notre grossière justice, nous absolvons sans examen le péché qui ne s’est point traduit par l’action !

Mais ne sommes-nous donc tenus envers les autres