Page:Souvestre - Un philosophe sous les toits, 1854.djvu/35

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j’ai déclaré que c’était une magnifique copie de Jordaens.

— Une copie ! s’est écrié M. Antoine ; dites un original, voisin, et un original retouché par Rubens ! Voyez plutôt la tête du vieillard, la robe de la jeune femme, et les accessoires. On pourrait compter les coups de pinceau de l’Hercule du coloris. Ce n’est point seulement un chef-d’œuvre, monsieur, c’est un trésor, une relique ! La toile du Louvre passe pour une perle, celle-ci est un diamant.

Et, l’appuyant au poêle de manière à la placer dans son meilleur jour, il s’est remis à tremper ses croûtes, sans quitter de l’œil le merveilleux tableau. On eût dit que sa vue leur communiquait une délicatesse inattendue : il les savourait lentement et vidait son verre à petits coups. Ses traits ridés s’étaient épanouis, ses narines se gonflaient ; c’était bien, ainsi qu’il l’avait dit lui-même, un festin du regard.

— Vous voyez que j’ai aussi ma fête, a-t-il repris, en branlant la tête d’un air de triomphe ; d’autres vont courir les restaurants et les bals ; moi,