Page:Souvestre - Un philosophe sous les toits, 1854.djvu/83

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cheveux gris dont l’une n’a pu se désaccoutumer d’obéir, l’autre de protéger.

Et ce n’est point en cela seulement que mes deux compagnes sont plus jeunes que leur âge : ignorantes de tout, elles s’étonnent sans cesse. Nous ne sommes point arrivés à Clamart qu’elles s’écrieraient volontiers, comme le roi de la ronde enfantine, qu’elles ne croyaient pas le monde si grand !

C’est la première fois qu’elles se hasardent sur un chemin de fer, et il faut voir les saisissements, les frayeurs, les résolutions courageuses ! Tout les émerveille ! Elles ont dans leur âme un arriéré de jeunesse qui les rend sensibles à ce qui ne nous frappe ordinairement que dans les premières années. Pauvres créatures qui, en ayant gardé les sensations d’un autre âge, en ont perdu la grâce ! Mais n’y a-t-il pas quelque chose de saint dans cette ingénuité que leur a conservée le jeûne de toutes les joies ? Ah ! maudit soit le premier qui a eu le triste courage d’enchaîner le ridicule à ce nom de vieille fille qui rappelle tant de déceptions douloureuses, tant d’ennuis, tant de délaissement ! Maudit celui qui a pu trouver un sujet de sarcasme