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évolution historique du rythme

existé, qu’il n’aurait en aucune manière amendé le « caquet » de ses prédécesseurs. On l’admirait de son temps non comme un maître, mais comme un être à part qui formait à lui seul toute sa race. Il était de ces originaux qui semblent désespérer toute imitation, et faire de leur facture un secret qu’ils prennent cependant au bien commun.

Au contraire, par l’application et la conscience de sa volonté, par la chaleur de ses convictions ouvertement et énergiquement déclarées, par l’étroitesse intransigeante même de son esprit, Malherbe commandait un enseignement dont l’autorité tyrannique s’imposait à tous, malgré tous. Il avait au plus haut degré le sentiment de l’ordre, alors que la fécondité déréglée des poètes finissait par produire des œuvres plus relâchées que fortes. Et ce sentiment lui fit créer un vers de solide charpente, où l’idée est bien rythmiquement soutenue par quelques mots serrés dont les accents toniques sont frappés aux meilleures places.

Certes, en se prolongeant, son influence est devenue stérilisante, mais parce qu’on a continué de suivre ses règles à la lettre, qui ne convenaient, et dans une petite mesure, qu’à son époque. Chose curieuse, cependant : si on laisse, bien entendu, de côté l’appauvrissement de la langue, et sa réforme de l’enjambement qui toutefois n’avait jamais été, ainsi que nous l’avons vu plus haut, pratiqué par