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Cela prouve sans doute que la cadence de ces derniers reste la seule bonne.

Réponse. — 11 y a deux espèces de vers libre : celui qu’on peut appeler le vers libre de transition, qui consiste en quelques pianotements de rythmes fugaces ou boiteux autour d’un alexandrin constant, et le véritable vers libre qui n’emploie la carrure alexandrine qu’à sa place exacte d’élargissement ou de résolution. — Avec la première espèce, il est naturel qu’on éprouve une joie particulière d’un mètre spécialement mis en valeur par les alentours qui nous y ramènent sans cesse ; mais, avec la seconde, cette préférence n’est qu’une marque de l’habitude, une impuissance chez le lecteur à sentir rytbmiquement. Son goût atavique et métrique le range parmi ces auditeurs qui ne se reconnaissent dans la trame musicale qu’au moment des périodes carrées et dont la satisfaction ne s’éveille qu’avec les cadences où le souvenir se retrouve. Il rentre dans la catégorie de ceux, incapables de s’abandonner à la volonté de l’artiste, pour lesquels une œuvre doit être avant tout une récréation de leur mémoire.

Cliché IV. — Mais l’alexandrin, le romantico-classique, n’a pas qu’une sorte de cadence ; Victor Hugo a tiré de ses jeux et de toute notre métrique les effets les plus multiples. « L’art des vers, après la contribution capitale qu’il doit au génie de Victor Hugo, écrit M. Sully-Prudhomme, a reçu tout son complément, a épuisé tout le progrès que sa nature comportait. »

Autrement dit : Le vers libre brise sans utilité une tradition remplie jusqu’aux bords par le génie du grand poète ; on n’a plus qu’à boire après lui. Il suffit que de boire on ait des manières diverses, et chacun son cru.