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Page:Souza - Où nous en sommes, 1906.djvu/72

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langues qui supportent des vers mesurés, dont les mots ont des syllabes de quantité qui leur restent propres en se combinant avec d’autres, quelle que soit leur position dans le groupement grammatical. Mais dans ces langues mêmes, ce n’est le cas que des versifications d’origine savante ; toute versification d’origine populaire n’est pas mesurée, elle est accentuée, la française plus que toute autre. Or, l’accent rythmique populaire a toujours été déterminé, en vers comme en prose, par le « sens »,puis par des accords du « son » et du « sens », et par un choix instinctif entre ces accords ; il n’y a pas plus d’« indépendance » pour l’un que pour l’autre. Le sens n’a cessé de gouverner les vers français non seulement selon les préceptes de Boileau (car l’on pourrait prétendre, d’après eux, que si le sens doit s’accorder avec le rythme, il en dépend, qu’en réalité le rythme gouverne au contraire, si l’on peut dire que le sens règne), mais selon l’affranchissement même de Victor Hugo. Cet affranchissement est le triomphe définitif de la « phrase grammaticale ». « Nous voudrions un vers, dit le poète dans la préface de Cromwell, plus ami de l’enjambement qui l’allonge que de l’inversion qui l’embrouille. » C’était donc remplacer un compromis syntaxique qui gardait intacte la figure du vers par une liberté qui la défait.

L’on va nous avancer tout de suite que cette conquête de la phrase grammaticale en allongeant le vers ne le défait pas, qu’elle nous donne justement une de « ces beautés particulières » qui résultent de ses conflits avec le rythme, — et c’est ce que cette même phrase grammaticale en prose ne pourrait nous offrir. Eh bien, l’on se tromperait aussi fortement sur ce point que sur le reste.

Nous étonnerons sans doute, car les phénomènes rythmiques