Page:Souza - Oeuvres completes T3 - in-8.djvu/182

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

me conduire. — « Nous irons d’abord, » a-t-il ajouté, « chez madame de Senecey. C’est une femme d’une grande vertu, d’un esprit supérieur, capable des procédés les plus généreux, mais qu’on ne peut s’empêcher de craindre. » Ce sentiment, si peu d’accord avec l’éloge qu’il en faisait, m’a surpris. Quoi que assez disposé à prendre sans examen les impressions que mon père veut me donner, je lui ai demandé comment des qualités si distinguées pouvaient produire un si triste résultat. — « Elle voit beaucoup de monde, » m’a-t-il répondu ; « chaque soir elle écrit tout ce qu’elle a entendu dire dans la journée, le bien comme le mal ; on ne l’ignore » pas : aussi chez elle le plus sage est gêné ; il semble qu’en y arrivant chacun se pose devant une glace, d’où il ne se perd pas de vue. »

Mon père, accoutumé à diriger mon esprit, n’a pas eu de peine à me convaincre que cette habitude, un peu inquiétante pour les autres, serait fort utile pour soi ; qu’un jeune homme qui écrirait, sans rien omettre, ses actions, ses idées, les motifs qui l’ont entraîné, deviendrait nécessairement meilleur.