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GERTRUDE

Je sais… Tu ne pourras jamais t’en rendre compte !
Et que puis-je t’en dire ? Est-ce que l’on raconte
La tristesse et l’ennui continus, écrasants,
Des longs jours sans soleil d’un hiver de quinine ans ?
A-t-on vécu, d’ailleurs, quand on a dû soumettre
Tout son désir d’aimer aux volontés d’un Maître ?
Qu’on a langui ses jours près de lui sans entendre
— Oh ! pas un mot d’amour ! — mais pas même un mot tendre ;
Et qu’on n’a pas cessé sous son joug étouffant
D’obéir, et d’en avoir peur, comme une enfant !

PIERRE

Gertrude…

GERTRUDE

Gertrude… Songe encor qu’avec chaque saison
Un peu plus de malheur entrait dans la maison ;
Que lentement mon cœur s’usait par la souffrance
Jusqu’au renoncement, jusqu’à l’indifférence,
N’ayant plus un désir, un espoir, un émoi…
Alors, tu comprendras ce que ce fut pour moi,
Quand je te vis soudain sur le seuil de la porte,
Que tu me dis « Bonjour ! » de ta voix jeune et forte,
Et qu’à l’éclat profond dont tes yeux ont brillé,
J’ai compris que ton cœur n’avait pas oublié !

PIERRE

Gertrude !