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POMONA (amèrement)

Chez nous ? Peut-on prévoir cette déconvenue
Hélas ! et savait-on le matin qu’on partit
Où le chemin qu’on prend quand on aime, aboutit ?
Ah ! c’était le départ et sa fièvre ! C’était
Aller vers l’inconnu, d’abord, qui me tentait ;
Puis ce rêve : Oublier tout, le monde, soi-même,
Et fuir sans savoir où, sur le cœur que l’on aime !
Franchir des monts, des bois, des fleuves et des landes,
Quitter Rome et les siens pour venir en Hollande,
Oui, même à ce prix-là, qui donc eût refusé
Ce voyage qui ne serait qu’un long baiser ?
Mais, tout passe ; la joie est loin qu’on a rêvée ;
L’aventure est finie, et je suis arrivée !

KAATJE

Je ne vous comprends pas.

POMONA

Je ne vous comprends pas. Si mon cœur est meurtri,
C’est parce que personne ici n’aura compris !
Ce matin, sur la place, en sortant de l’église,
Près d’un grand chariot rempli de marchandises,
Des gens étaient assis à l’abri d’une tente.
Je passais. Tout à coup, j’entends des voix chantantes !
— Oh, ces voix dans mon cœur comme un timbre argentin ! —
Je m’arrête… C’étaient des marchands florentins,