Page:Spaak - Kaatje, préf. Verhaeren, 1908.djvu/82

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C’est là que je l’ai vue… Elle est l’ainée… Elle est
Aussi la plus jolie !… Elle me consolait
Quand j’étais malheureux, rien qu’en me regardant !
Lorsque je travaillais dans ma chambre, pendant
Que mon rêve essayait de conduire mes doigts,
Elle chantait dehors et j’écoutais sa voix.
Le soir, devant la porte ouverte à l’air plus doux,
Je lui disais la vie et les gens de chez nous ;
Elle ne parlait pas, mais j’écoutais son âme…
Et c’est ainsi que peu à peu nous nous aimâmes…
Parmi ces étrangers, dans ce monde inconnu,
Comme cette amitié, dès lors, m’a soutenu !
Car, s’il fait traverser bien des heures amères,
Le combat journalier des dompteurs de chimères,
Elle exaltait du moins ma force et mon courage,
Et m’aidait dans mon œuvre en aimant mon ouvrage !
Nous ne songions à rien de précis ; nul espoir
Ne faisait naître en nous aucun projet… Un soir,
Revenant d’une longue et chaude promenade
Hors les murs, vous savez que je devins malade.
Mes lettres vous l’ont dit quand je pus vous écrire ;
Mais ce qu’il ne me fut pas possible de dire
C’est la douceur, le dévoûment et la bonté
Des soins que son amour me donna sans compter !
Méprisant le danger du mal qu’elle bravait,
Elle ne quitta pas une heure mon chevet,
Trouvant pour me guérir ce qu’il fallait trouver,
Mère, et si j’ai vécu, c’est qu’elle m’a sauvé !