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consolidation de la coutume, c’est la formation de quelque chose de fixe au milieu de choses qui changent ; et, si nous considérons une organisation politique à son point de vue le plus général, c’est-à-dire comme l’agent chargé de maintenir un ordre permanent, nous disons qu’il est de son essence même de manquer relativement de souplesse.

Un exemple curieux de la manière dont les principes et les usages primitifs survivent dans les actions des gouvernants, après avoir cessé d’être en pleine vigueur chez les gouvernés, c’est la longue persistance du droit féodal qui continua de régir les rapports des nobles entre eux après être tombé en désuétude chez les bourgeois des villes. Nous voyons aussi les grands vassaux continuer à se faire justice eux-mêmes, après que les petits en eurent perdu le pouvoir ; on leur reconnaissait non-seulement le droit de se faire la guerre entre eux, mais encore celui de se défendre contre le roi. Même de nos jours, dans les rapports de peuple à peuple, les gouvernements ont recours à la force armée pour obtenir réparation du préjudice souffert, exactement comme faisaient autrefois tous les individus. Un autre fait significatif vient corroborer les premiers : l’institution des combats judiciaires, qui était la régularisation du système primitif sous le règne duquel chacun se faisait justice à soi-même, a survécu dans les classes gouvernantes après avoir cessé d’être sanctionné par la loi pour les classes inférieures. Il y avait même des duels judiciaires en faveur des communautés religieuses. Le point à noter ici, c’est que le système consistant à se battre, soit en personne, soit par mandataire, s’est perpétué en fait ou pour la forme dans diverses parties de l’organisation régulatrice, à une époque où il avait cessé du reste d’avoir un caractère légal. Jusqu’au règne de George III, on pouvait réclamer le jugement par bataille au lieu du jugement par jury. Il y a bien peu de temps, l’usage du duel existait encore dans les classes dirigeantes, particulièrement dans l’armée. Aujourd’hui, le duel entre officiers est encore admis et sur le continent il est même dans certains cas obligatoire. Les usages les plus anciens sont donc aussi, à cause de la connexité qui existe entre eux et les parties les plus anciennes de l’organisation gouvernante, ceux qui survivent le plus longtemps.