Page:Spencer - La Science sociale.djvu/128

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travers les siècles le lent travail qui préside à leur développement. Baser des conclusions sur les résultats donnés par une période de temps peu étendue, c’est aussi illusoire que de chercher à déterminer la courbure de la terre en observant si une personne qui marche à sa surface monte ou descend. Cette vérité reconnue, le lecteur concevra toute l’importance de cet autre obstacle à l’étude de la science sociale.


« Mais n’est-ce pas trop prouver ? S’il est d’une difficulté si extrême en sociologie de se procurer des témoignages qui ne soient altérés ni par l’état subjectif du témoin, ni par ses préjugés, ses passions, ses intérêts, etc., — si, dans les cas d’examen impartial, les conditions créées par l’enquête même sont très-propres à falsifier le résultat — si l’on est toujours porté à affirmer comme un fait observé ce qui n’est en réalité qu’une déduction tirée d’une observation — s’il y a également tendance très-marquée à se laisser aveugler par les trivialités de la surface sur les faits intimes et essentiels — si, même lorsqu’il est possible de se procurer des données exactes, le nombre infini de ces données et leur diffusion dans l’espace empêchent d’en voir nettement l’ensemble, tandis que la lenteur avec laquelle elles se produisent dans le temps interdit à l’esprit humain de percevoir les véritables relations qui existent entre les antécédents et les conséquences ; si tout cela est vrai, n’est-il pas manifestement impossible d’élaborer une science sociale ? »

Nous reconnaissons que voilà un ensemble de difficultés objectives véritablement formidable. Si le but de la science sociale était d’arriver à des conclusions parfaitement précises et spéciales, dont la justesse dépendrait de l’exactitude de données soigneusement coordonnées, il faudrait évidemment y renoncer. Mais ce n’est pas le cas. Certaines classes de faits généraux n’en subsistent pas moins, déduction faite des erreurs de détail de toute provenance. Quelques contradictions que nous surprenions entre les relations des événements survenus à l’époque de la féodalité, la comparaison de ces relations n’en révèle pas moins la vérité incontestable qu’il y a eu un système féodal. Les lois et les chroniques du temps indiquent à qui procède par voie d’in-