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Page:Spencer - La Science sociale.djvu/139

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dans des livres de classe, puissent avoir pour résultat instantané la bonne conduite. Sans les préjugés, personne n’y croirait plus, parce que sans les préjugés tout le monde remarquerait combien peu, en définitive, l’instruction influe sur la conduite. Chacun observerait que le marchand et le fabricant trompant sur la marchandise, le banqueroutier frauduleux, les fondateurs de compagnies chimériques et les individus qui « manipulent » les comptes de chemins de fer et les prospectus financiers, ont une malhonnêteté qui ne diffère en rien au fond de celle de l’illettré. On observerait aussi que l’enseignement reçu influe incroyablement peu sur le genre de vie des étudiants en médecine, et que la prudence des médecins même les plus expérimentés est à peine augmentée par toute leur science. Sans la conviction tacite qui nous occupe, les faits frappants qui s’imposent perpétuellement à notre attention empêcheraient l’éclosion des utopies qui reparaissent périodiquement avec chaque nouveau système politique, depuis les constitutions créées sur le papier par l’abbé Sièyes, jusqu’au programme publié dernièrement par M. Louis Blanc ; depuis les agitations en faveur du vote au scrutin, jusqu’à celles qui ont une République pour objectif. La France ne cesse de démontrer au monde depuis trois générations, que s’il est une chose impossible c’est d’altérer les caractères essentiels d’une organisation sociale au moyen de ré-arrangements effectués révolutionnairement. Quelque grande que puisse sembler pour un temps la transformation, le type original reparaît toujours sous le déguisement dont on l’a affublé. D’un gouvernement libre de nom, sort un nouveau despotisme qui ne diffère de l’ancien que parce qu’il a des hommes nouveaux pour prononcer son nouveau shibboleth ; du reste identité parfaite quant à la volonté arrêtée d’écraser la résistance et quant au choix des moyens. Obtient-on parfois la liberté, c’est pour la livrer incontinent à un autocrate avoué — à moins qu’on ne la laisse tomber, comme nous l’avons vu faire cette année, aux mains d’un homme qui veut du despotisme la réalité sans le nom. Et même nous exagérons encore la différence ; car l’organisation régulatrice qui se ramifie dans toute la société française n’est modifiée en rien par les changements subis par le