Page:Spencer - La Science sociale.djvu/20

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les hypothèses possibles et de supprimer toutes les causes d’erreurs. Demandons-lui, par exemple, si certaine institution projetée sera bienfaisante. Il répondra sans hésiter et presque toujours en tranchant la question. Inutile à ses yeux de procéder prudemment par induction, d’examiner ce qui s’est produit chez les nations qui ont fondé des institutions identiques ou analogues. Inutile de rechercher, dans notre propre histoire, si des établissements de même nature ont donné ce qu’on attendait d’eux. Inutile de généraliser la question, et de se demander jusqu’à quel point les institutions de tous les temps et de tous les pays ont justifié les théories de leurs fondateurs. Inutile de chercher à inférer, de l’examen des cas analogues, ce qui arriverait si l’on renonçait à la création projetée, de s’assurer par voie d’induction si, dans ce cas, il ne surgirait pas quelque équivalent. Inutile, par-dessus tout, d’étudier quelle action ou quelle réaction indirecte pourra exercer l’institution, dans quelle mesure elle retardera d’autres agents sociaux, et dans quelle mesure elle empêchera le développement spontané de nouveaux agents tendant aux mêmes fins.

Nous ne prétendons pas que personne ne reconnaisse là des questions à examiner ; mais nous soutenons que personne ne s’occupe, d’une manière scientifique, de rassembler des éléments pour les résoudre. Il est vrai qu’on a recueilli quelques données dans les journaux, les revues, les correspondances étrangères et les récits de voyage, qu’on a lu plusieurs de ces histoires abondant en longs récits des débauches royales, en minutieux détails sur toutes les campagnes militaires et les intrigues diplomatiques. C’est d’après une enquête ainsi faite qu’on se forme une opinion arrêtée. Le plus remarquable, c’est qu’on ne tient aucun compte de l’équation personnelle. Pour observer et pour juger les questions politiques les qualités individuelles et naturelles acquises sont de beaucoup les facteurs les plus importants. Les préjugés d’éducation, de caste, de nationalité, les préjugés politiques et théologiques — toutes ces choses, jointes aux sympathies et aux antipathies innées contribuent bien plus à déterminer nos opinions sur les questions sociales, que les quelques renseignements glanés çà et là. Vous voyez cependant ce même