Page:Spencer - La Science sociale.djvu/47

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primitives dont l’histoire ne consiste guère que dans les efforts faits par les hommes pour se détruire ou se subjuguer les uns les autres, nous pouvons admettre que cette théorie s’accorde assez bien avec les faits, lorsqu’elle représente le chef capable de diriger comme ayant une importance extrême, et pourtant, même dans ce cas, elle fait une trop petite part au nombre et à la qualité de ses partisans. Mais son erreur capitale consiste à supposer que ce qui a été vrai autrefois est constamment vrai, et que des relations entre gouvernants et gouvernés, possibles et utiles à une certaine époque, sont possibles et utiles dans tous les temps. À mesure que l’activité déprédatrice des tribus primitives diminue, à mesure que des agglomérations plus vastes se forment par la conquête ou par d’autres causes, à mesure que la guerre cesse d’être l’unique affaire de la population mâle tout entière, les sociétés commencent à se développer, à montrer des indices d’une organisation et de diverses fonctions qui antérieurement n’étaient pas possibles, elles acquièrent une complexité et une grandeur croissantes, elles donnent naissance à de nouvelles institutions, à de nouvelles activités, à de nouvelles idées, à de nouveaux sentiments et à de nouvelles habitudes, tout cela fait son apparition sans bruit ni fracas et sans l’intervention d’un roi ou d’un législateur. Si vous désirez arriver à comprendre ces phénomènes de l’évolution sociale, ce ne sera pas en lisant les biographies de tous les grands chefs d’état dont on a conservé le souvenir, y compris Frédéric le Rapace et Napoléon le Traître ; non, quand même vous y useriez vos yeux.

Sur dix personnes il y en a neuf qui se rallient à l’une ou l’autre de ces deux doctrines étroitement unies, et qui par conséquent nient implicitement la science sociale. Mais en outre il y en a d’autres qui la nient expressément dans son ensemble ou dans quelqu’une de ses parties. On s’appuie sur certaines raisons pour nier la possibilité d’une telle science.

Il est impossible de montrer l’inanité de ces arguments avant d’avoir établi en quoi consiste la science sociale, dont la nature essentielle est méconnue par ses critiques ; mais