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Page:Spenlé - Novalis.djvu/166

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NOVALIS

le monde extérieur les créations de son cerveau enfiévré. Celui-ci n’a pas pris conscience de la puissance imaginative dont il est l’organe passif et qu’il subit comme une fatalité étrangère. De là l’importance de l’éducation philosophique pour le poète.

Cn pacte de plus en plus étroit doit unir désormais la philosophie à la poésie. L’idéalisme de Fichte a découvert que l’imagination est le pouvoir producteur de toute réalité. Le philosophe n’est lui-même qu’un « poète intériorisé ». — « La philosophie élève la poésie à la dignité d’un principe. Elle nous apprend à connaître la valeur de la poésie. La philosophie est la théorie de la poésie, elle nous montre que celle-ci est le commencement et la fin de tout. »[1] Le philosophe doit donc devenir poète « par principe », et inversement le poète doit devenir philosophe « par principe ». Car seule l’éducation philosophique permettra à ce dernier de se connaître, de se pénétrer entièrement lui-même, de prendre conscience de son originalité vraie, de dominer son délire, au lieu de le subir comme une fatalité aveugle. Ainsi seulement s’accomplira cette universalité, cette « auto-pénétration » méthodique du génie, sans lesquelles ce dernier n’est qu’un phénomène fortuit, anormal ou maladif.

La poésie ainsi comprise, c’est-à-dire pénétrée par l’esprit philosophique, la poésie romantique ou « transcendantale », englobe toutes les activités humaines ; elle est l’élément d’originalité, d’imagination, de spontanéité productrice qu’on rencontre à l’origine de toutes les inventions. Les différents arts et les différentes sciences sont comme les langages variés par où s’exprime une même pensée créatrice et démiurgique. Ils n’apportent que les éléments de réalisation technique qui permettent à cette pensée de se formuler dans un ordre particulier de signes ou représentations. La musique c’est de la poésie mise en sons, la peinture de la poésie mise en tableaux, les mathématiques de la poésie mise

  1. N. S. II, 1 p. 64, p. 79, p. 89 et suiv.