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Page:Spenlé - Novalis.djvu/168

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NOVALIS

rieure réveille sans cesse en nous des harmonies secrètes, y découvre des intuitions encore latentes.

Un symbolisme plus conscient déjà, c’est le langage. L’homme pratique, l’esprit positif ne voient dans les mots que les choses qu’ils représentent. Pareillement le savant. Il invente un système de notations arbitraires, qui sont comme les leviers par où l’activité humaine plonge dans les choses et, avec une force centuplée, les plie à ses desseins. Entre le signe et la chose signifiée, entre le contenant et le contenu il n’y a ici aucune adhérence organique, aucune sympathie magique. Seuls les mathématiciens sont en possession d’un symbolisme supérieur, d’une sorte d’idéalisme magique. Ici le signe et la chose signifiée se trouvent indissolublement unis. Mais si la forme est magique, le contenu n’est pas mystique.[1] Le géomètre n’évoque pas l’invisible, le mathématicien ne révèle pas l’occulte, il ne dépasse pas le monde des relations externes, il ne déchiffre pas l’énigme intérieure. Sa magie est tout exotérique, du domaine commun et d’un usage vulgaire, — non vraiment géniale.

Tout autre apparaît le langage au poète. Il est curieux de voir se constituer à la fin du 18me siècle une philosophie mystique et pour ainsi dire cabalistique du langage qui a reçu des romantiques sa formule littéraire la plus parfaite. Hamann semble avoir soulevé le premier ce problème. « Selon Hamann », dit M. Lévy-Brühl, — « le langage est le symbole de la réalité inexprimable de l’âme et la philosophie n’est que l’exercice de la réflexion sur le langage. Jacobi fait sienne cette pensée. Il y revient souvent et avec insistance. Philosopher, dit-il, ce n’est jamais qu’approfondir la découverte du langage. »[2] Par la parole non seulement l’homme peut évoquer des objets absents ou invisibles,

  1. Après avoir lu le dithyrambe en l’honneur des mathématiques il faut lire aussi la contre partie critique, p. ex. N. S. II, 2, p. 494-495 (la mathématique n’est qu’un instrument mécanisé) ou p. 498 (la mathématique a un caractère purement formel et « juridique », non magique) etc.
  2. Lévy-Brühl, La philosophie de Jacobi. p. 46.