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Page:Spenlé - Novalis.djvu/180

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NOVALIS

Werner représentait, bien le naturaliste de la vieille école, c’est-à-dire doublé d’un mystique et d’un croyant. Les découvertes positives de la science lui paraissaient secondaires et il se refusait obstinément, à les publier : l’essentiel, à ses yeux, c’était une conception générale, à la fois philosophique, historique et religieuse de la Nature que le maître s’efforçait de communiquer à ses élèves, moins encore par ses leçons que par une sorte d’ascendant personnel et moral. Dans le grand débat qui s’ouvrit à la fin du 18me siècle entre « neptunistes » et « plutonistes » et dont le second Faust ainsi que Wilhelm Meister de Gœthe nous apportent de nombreux échos,[1] il avait pris parti pour l’hypothèse neptuniste et, par une science dont il fut l’initiateur, la « géognosie » ou l’étude des stratifications et de la structure intérieure du sol, il prétendait prouver que cette structure s’était effectuée par alluvions successives et non par éruptions volcaniques, les volcans appartenant, selon lui, à une époque très récente de la formation tellurienne. De toutes les contrées du monde, de la France, de la Suède, de l’Espagne, du Mexique, des deux Amériques, les étudiants affluaient à Freiberg. Très souvent le maître les réunissait le soir autour de la table familiale, en des agapes fraternelles. Dans la rue, dans ses excursions, dans ses voyages se pressait autour de lui un cercle d’auditeurs attentifs. Lorsqu’il se déplaçait, à Dresde, à Carlsbad, aussitôt des contrées voisines ses disciples accouraient : il s’était, fait d’eux une véritable famille spirituelle, répandue à travers toute l’Europe. Il aimait à leur raconter comment était née en lui, dès la plus tendre enfance, sa location mystique pour l’étude de la nature. Ses premières lectures, après la Bible, avaient été quelques récits d’explorations souterraines et des

  1. Le chef des « plutonistes » était Voigt, le minéralogiste d’Ilmenau. La question en litige était la nature volcanique du basalt et des volcans éteints du Rhœngebirge. Werner parut d’abord triompher. Plus tard la théorie de Voigt, soutenue par Dolomien et Faujas St-Fond l’emporta et le neptunisme du basalt fut définitivement abandonné. Voir : Steffens Was ich erlebte. IV, p. 40-41.