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Page:Spenlé - Novalis.djvu/184

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NOVALIS

de faire avec le maître un voyage d’exploration géologique à travers la Thuringe pour étudier les terrains sédimentaires. Il défend sa théorie anti-volcanique du basalt, sa classification du diamant parmi les silex. Surtout il partage de tout cœur son aversion pour les chimistes. « N’est-il pas étrange que précisément les phénomènes les plus sacrés et les plus charmants de la Nature soient aux mains de gens aussi stupides que les chimistes ordinaires ! Ces phénomènes qui devraient si puissamment éveiller le sens créateur de la Nature, être un secret réservé aux Amants véritables, s’appeler tes mystères de l’humanité supérieure, — les voici dévoilés sans pudeur, stupidement, par des esprits grossiers, qui jamais ne comprendront les miracles que recèlent leurs alambics. »

C’est bien la figure même de Werner, que deux fois Novalis a évoquée, dans son roman Henri d’Ofterdingen sous les traits du vieux maître mineur Werner, et dans le Disciple à Saïs, sous une forme plus symbolique. Dès sa première enfance, nous est-il raconté ici du Maître, « il rassemblait pour lui-même des pierres, des fleurs, des insectes de toute sorte, et les disposait en rangées suivant des dessins variés ». Il aimait à « rassembler des familles ». Et n’est-ce pas une allusion au fameux saphir tricolore, dont la perte avait arraché tant de larmes à Werner, lorsque Novalis raconte d’un disciple, « qui brisait tout facilement », qu’il revint un jour, portant à la main une pierre d’une forme merveilleuse ? « Le Maître la prit en main ; il embrassa longuement le disciple, puis il nous regarda de ses yeux humides, posa la petite pierre à une place vide parmi d’autres pierres, juste à l’endroit où, pareilles à des rayons, un grand nombre de rangées venaient se toucher. »

Enfin les préoccupations à la fois mystiques et philosophiques de Werner, les analogies qu’il pressentait entre le langage humain et la structure de la Nature reparaissent sans cesse, comme un « leitmotiv », à travers le long fragment de Novalis, qui n’est qu’une description à demi voilée et à