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Page:Spenlé - Novalis.djvu/195

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PHILOSOPHIE DE LA NATURE

« mythe » personnel qu’il a renouvelé indéfiniment en des allégories innombrables, et, pour reprendre sa propre expression, « la clé qui ouvre tout ».[1]

Si nous dépouillons ce conte gracieux de sa parure symbolique, nous trouverons comme résidu la pensée philosophique suivante : l’homme ne peut connaître vraiment la nature que par l’amour et la sympathie, car on ne connaît intimement une chose qu’autant qu’on en est participant, qu’on la possède au dedans de soi. Tout ? une conception religieuse et symboliste de la nature se développera de cette intuition, que Novalis semble avoir puisée dans les écrits néo-platoniciens. Il avait lu et commenté les écrits de Hemsterhuys. Il ne paraît pas du reste avoir tiré grand parti de ce penseur à la fois subtil et confus. Une influence bien autrement féconde fut exercée sur sa pensée par le véritable fondateur du néo-platonisme, par Plotin. « Je ne sais » écrivait-il à Frédéric Schlegel en 1798, « si je t’ai déjà parlé de mon cher Plotin. Par Tiedemann j’ai été initié à ce philosophe, né tout exprès pour moi, et j’ai été presque effrayé de sa ressemblance avec Fichte et Kant, des points de ressemblance idéaux qu’il présente avec eux. Il est plus selon mon cœur que tous les deux. » Il se propose d’envoyer une étude dans l’Athenæum sur ce sujet. « Plotin le premier, peut-être initié par Platon, a pénétré avec l’esprit véritable dans le sanctuaire et personne après lui n’est entré si avant. »[2]

  1. Un autre dénoûment se trouve indiqué par Novalis dans un distique détaché « Un seul réussit : il souleva le voile de la déesse à Saïs. Mais que vit-il ? Miracle des miracles ! Il se vit lui-même. » À vrai dire ce dénoûment ne paraît pas contradictoire avec le précédent, si on se rappelle la qualité particulière de l’amour mystique chez Novalis. L’amour, pour lui, est avant tout un moyen de culture et de perfection intérieure ; l’objet aimé symbolise un « moi » supérieur et nous met en rapport avec lui. Ainsi l’apologue de Hyacinthe donne la solution populaire et le distique donne la solution ésotérique. On pourrait aussi reconnaître dans cette double solution l’expression d’une croyance cabalistique qui veut que la réunion du couple parfait produise un individu unique et rétablisse l’androgyne primitif. On verra plus loin que Novalis s’est plusieurs fois inspiré de conceptions cabalistiques et théosophiques analogues.
  2. Raich, op. cit. p. 95 et p. 102.