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Page:Spenlé - Novalis.djvu/243

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PHILOSOPHIE DE LA NATURE

prennent successivement la parole pour défendre leurs idées favorites, on reconnaît aisément Novalis sous le pseudonyme de Ludovico, le champion de l’idéalisme magique et de la physique symboliste,[1] La mythologie de l’avenir sera, dit-il, « une expression hiéroglyphique de la nature extérieure, transfigurée par l’imagination et l’amour. » Tandis que Schelling, qui lui aussi rêvait une mythologie nouvelle, un élément médiateur entre la science et la poésie, voulait que cette mythologie fût l’œuvre collective d’une génération entière de savants et d’artistes. Ludovico-Novalis croit qu’un génie individuel seul pourra créer de toutes pièces les hiéroglyphes nouveaux. Or la forme que revêtira la mythologie romantique de la nature, c’est précisément le « Mærchen » qui la lui donnera et il n’hésite pas à mettre ce genre bien au-dessus de tous les autres. On pourrait en une certaine mesure comparer le rôle philosophique qu’il lui attribue à celui du mythe platonicien. De même que pour Platon la dialectique ne peut nous fournir qu’une conception analytique et statique de l’Être, qu’il faut, pour saisir l’Être dans le mouvement et dans la vie, un moyen plus souple, plus personnel, plus « subjectif » de connaissance ou tout au moins d’approximation, de même la science, pour Novalis, n’atteint que le mécanisme inerte, le « caput mortuum » de la nature. Or sentir, désirer, vouloir, ne sont pas des propriétés exclusive ! de l’âme humaine, ni même de l’âme animale. « Chaque atome », observe un naturaliste contemporain,[2] « possède une somme inhérente de force et est bien, en ce sens, animé. Sans l’hypothèse d’une âme de l’atome les phénomènes les plus vulgaires et les plus généraux de la chimie ne s’expliquent point. Le plaisir et le déplaisir, le désir et l’aversion, l’attraction et la répulsion doivent être communs à tous les atomes ; car les mouvements des atomes qui doivent avoir lieu dans la formation et la dissolution

  1. Voir : Minor, op. cit. II, p. 358 et suiv.
  2. Hæckel, Essais de psychologie cellulaire, Trad. par Soury Paris, 1880, pp. 40-41.