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Page:Spenlé - Novalis.djvu/253

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PHILOSOPHIE DE LA NATURE

à son ami d’admirables dispositions pour le rôle du Christ et se résignait presque au rôle d’apologète ou d’apôtre. « Cependant tu as peut-être plus de talent pour faire un nouveau Christ, qui trouvera en moi son vaillant saint Paul. »

De son côté Novalis prophétisait le nouveau Messie. « Dans les sciences et les arts on perçoit une puissante fermentation… On creuse des mines nouvelles, on attaque des filons inexplorés. Jamais les sciences ne furent entre de meilleures mains, ou tout au moins n’éveillèrent de plus vives espérances… Un pressentiment puissant de liberté créatrice, d’activité illimitée, de diversité infinie, de sainte originalité, d’universelle aptitude chez l’homme intérieur, semble partout tressaillir… Encore ne sont-ce que des indications confuses, informes, mais elles trahissent au regard de l’historien une tendance universelle à l’individualisation, une histoire nouvelle, une nouvelle humanité, une Église jeune, comme enlacée furtivement par un Dieu d’amour et concevant un nouveau Messie dans ses membres innombrables. » C’est sans doute aux mêmes prophéties que faisait allusion Herder,[1] lorsque, quelques années plus tard, il passait en revue, dans son « Adrastea », les grandes espérances et les illusions du siècle qui venait de finir. « De 1790 à 1800 », raconte-t-il, « se produisirent des choses inconnues de ce siècle, mais auxquelles on était à bien des égards préparé. En politique, en philosophie, les aspirations se mêlaient tumultueusement. Le siècle « autonome », ainsi devait s’appeler le siècle nouveau, où chacun se ferait à lui-même sa propre loi. Même une poésie et une critique nouvelles allaient voir le jour, bien plus, on croyait déjà les posséder : une poésie et une critique dont la supériorité serait qu’elles ne se rattachaient à rien dans le passé, mais qui, descendues en droite ligne du ciel parmi quelques su-

  1. Herder était en relations personnelles très suivies avec Novalis, qui introduisit chez lui Tieck, sans grand succès. À la mort de Novalis, Ritter s’attacha à Herder par une sorte d’amitié mystique et lui voua un véritable culte.