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Page:Spenlé - Novalis.djvu/276

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NOVALIS

quants. « Pourquoi ne peut-il y avoir de virtuosité eu matière de religion ? » demandait-il, attaquant ainsi de front une définition de Schleiermacher. « Parce que la religion repose sur l’amour ». Or qu’est-ce que l’amour ? Il est avant tout compassion, maladie, souffrance. « Le cœur est la clé du monde et de la vie. On vit dans cet état précaire pour aimer et pour être attaché à autrui. Par sa propre insuffisance on est prédisposé à l’intervention d’autrui et cette intervention est le but. Dans les maladies une aide étrangère seule peut et doit nous secourir. De ce point de vue le Christ est la clé du monde… L’amour n’est que maladie, c’est ce qui fait la merveilleuse signification du christianisme. » L’amour, disait-il encore, « choisit de préférence l’objet le plus misérable, le plus déshérité. Dieu aime surtout les malheureux et les pécheurs. » Mais il faut que cette compassion soit réciproque : il faut que Dieu lui-même apparaisse à l’homme comme un Dieu souffrant, indigent, outrage, agonisant. Là encore le christianisme a touché la fibre la plus sensible du cœur humain. Il nous a appris à avoir pitié de Dieu.

La pitié — voici donc la seconde source d’émotion lyrique et d’inspiration religieuse qui alimente les hymnes à Jésus. Tantôt le poète décrit la souffrance, la « maladie » de l’homme séparé de Dieu et il emprunte au piétisme sa psychologie morbide. On a déjà cité ailleurs la neuvième hymne, où les symptômes pathologiques prennent un caractère d’extraordinaire intensité et où la démence semble attirer le croyant « d’un regard irrésistible ». Une vision soudaine, pareille à la vision extatique décrite dans le troisième hymne à la Nuit, met tout à coup fin à cette crise maladive. « Comme ainsi je dépérissais silencieusement, toujours en larmes, avec le désir de partir, retenu seulement par la peur et l’illusion, tout à coup, une main d’en haut descella la pierre sépulcrale et mit à nu mon âme profonde. Qui ai-je aperçu ? Qui se tenait auprès de Lui ? Ne me le demandez pas. Éternellement je garderai celle vision unique ; de toutes