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Page:Spenlé - Novalis.djvu/282

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NOVALIS

disparates. Tantôt, à l’intérieur même de l’Église officielle, il suscitait des tendances séparatistes et anarchiques, qui ont été désignées, dans la seconde moitié du 18me siècle, sous le nom très vague de « piétisme » et qui lentement désagrégeaient, autant que la philosophie des « lumières », le bloc de l’orthodoxie. Tantôt au contraire ce mysticisme extra-confessionnel prenait résolument position en dehors de l’Église officielle, ou même contre l’Église officielle, et cherchait à s’organiser d’après un plan plus ou moins occulte, sorte de catholicisme idéal théosophique. Telle est la pensée secrète qui a inspiré la dissertation ou, plus exactement, le pamphlet politico-religieux de Novalis, intitulé « Europa ou la Chrétienté ».

LA NOUVELLE ÉGLISE. — « EUROPA OU LA CHRÉTIENTÉ »


Ce pamphlet en prose fut dès le début pour tous une pierre d’achoppement. On en avait fait d’abord la lecture à huis clos, entre initiés. Devait-on accueillir ce nouveau produit dans le Moniteur officiel du romantisme, dans l’Athenæum ? S’il faut en croire Tieck, le petit comité, après débats, rejeta unanimement cette proposition.[1] Il faut dire que par une « ironie » vraiment romantique, on avait décidé d’abord de publier côte à côte l’Europa de Novalis et le contre-manifeste satirique de Schelling, la Profession de foi matérialiste de Heinz Widerporst. L’admission ou le rejet des deux pamphlets contradictoires devaient être prononcés solidairement. Or la grande majorité du cénacle romantique, en dépit des affirmations de Tieck, fut favorable à l’admission. « Je m’étais tout de suite opposée à la chose », raconte Dorothée

  1. Novalis Schriften, édit. Tieck, Préface de la 5e édition, 1837, I, p. XXXV. « Comme nous nous reconnaissions entre amis intimes le droit d’exprimer franchement et sans détour notre jugement l’un sur l’autre, à un degré qui se rencontre rarement chez des hommes de lettres, il fut décidé unanimement, après lecture, que la dissertation ne devait pas paraître en public. »