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Page:Spenlé - Novalis.djvu/301

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LA RELIGION NATURISTE

pourrait intituler l’hymne de l’Eucharistie panthéistique :[1]

« Bien peu connaissent le mystère de l’Amour, bien peu ressentent une faim inapaisée et une soif inextinguible. La Cène, divin symbole, est une énigme pour les sens terrestres. Mais celui qui a bu sur des lèvres brûlantes et aimées un souffle de vie, celui dont le cœur, consumé de saintes ardeurs, s’est dissout en ondes frissonnantes, dont les yeux se sont ouverts pour scruter l’insondable profondeur du ciel : celui-là mangera de Son Corps et boira de Son Sang éternellement. Qui a pénétré le sens auguste du corps terrestre ?[2] Qui peut dire du sang qu’il en connaît la signification ? Un jour tout sera Corps, un Corps unique,[3] et un sang céleste baignera le Couple bienheureux.

« Ah ! que la vaste mer ne puisse déjà s’empourprer et une chair odorante jaillir au cœur du roc ! Jamais ne s’achève le doux festin, jamais l’amour ne se rassasie. Il ne saurait enlacer son objet d’une étreinte assez intime, assez particulière. Des lèvres toujours plus suaves prennent l’aliment et le transforment de proche en proche. Plus fervente devient alors la volupté dont les frissons parcourent l’àme ; plus altéré, plus avide se fait le cœur, et la volupté d’amour se prolonge éternellement.

« Ceux qui ignorent l’ivresse, s’ils y avaient goûté une fois seulement, quitteraient toutes choses pour s’asseoir parmi nous à la table de l’amour nostalgique, où jamais il n’y a disette. Ils reconnaîtraient l’inépuisable trésor de l’amour et célébreraient l’Aliment de chair et de sang. »

  1. N. S. II, p. 342 à 343.
  2. Ces lignes sont la paraphrase poétique d’un fragment en prose. N. S. II, 1, p. 134 « Qui sait quel symbole auguste est le sang ? Précisément ce qu’il y a de répugnant dans les parties organiques nous permet de conclure à quelque chose de très noble qui s’y trouve caché Nous sommes pris d’horreur, comme à la vue de fantômes, et avec un effroi enfantin nous pressentons dans ces combinaisons étranges tout un monde mystérieux, qui pourrait bien être une vieille connaissance. »
  3. Dans ce « corps unique », où se trouvent définitivement réunis les deux sexes, on pourrait reconnaître une nouvelle variante de l’androgyne des cabalistes théosophes.