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Page:Spenlé - Novalis.djvu/402

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NOVALIS DEVANT LA CRITIQUE

été détachées. » (Novalis Schriften, édition Tieck, I, p. VI).

D’autre part, dans la 3me édition des Œuvres, en 1815, Tieck publiait une notice biographique, qui est comme la première rédaction de la légende romantique de Novalis et qui a servi de point de départ à toutes les amplifications postérieures. On y sent, dès la première ligne, un parti-pris d’idéalisation poétique, qui s’en prend non seulement à la personne du poète, mais à tout son entourage. Déjà le style, souvent vague et plein d’affectation, nous fait pressentir que nous entrons dans un monde irréel et faux. Sophie, la première fiancée du poète, devient un être séraphique, une apparition angélique. « Tous ceux qui ont connu la merveilleuse fiancée de notre ami sont unanimes à trouver que nulle description ne saurait rendre la grâce divine qui animait cette créature céleste, l’auréole de beauté qui l’environnait, la majesté et la douceur qui l’enveloppaient… etc., etc. » (Novalis Schriften, 1815, I, p. XIV). Quant à Novalis lui-même, il apparaît bien ici comme le type romantique et légendaire ; c’est l’homme éthéré ; prédestiné à la mort, martyr de son propre amour, qui vit dès à présent d’une existence supérieure et mystérieuse. « Pendant tout ce temps — c’est ainsi que Tieck résume la période qui suivit la mort de Sophie — Novalis ne vivait plus que pour sa douleur et il en arriva tout naturellement à confondre le monde visible et l’invisible, à ne distinguer la vie de la mort que par l’aspiration nostalgique qui le poussait vers cette dernière. En même temps sa vie se transfigura : son âme tout entière s’est fondue dans le rêve lucide et conscient d’une existence supérieure. Par la sainteté de sa douleur, par la profondeur de son amour et par sa pieuse nostalgie de la mort s’expliquent tout son caractère et toute sa manière de penser, et il n’est pas impossible que cette période de deuil ait fait éclore en lui les germes de la mort — si tant est qu’il ne fût pas prédestiné à nous être enlevé si tôt. » (Novalis Schriften, op. cit. I, p. XVIII). Il restait, il est vrai, un point déli-