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Page:Spenlé - Novalis.djvu/442

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NOVALIS DEVANT LA CRITIQUE

ne veut pas attribuer à l’amour, dans la destinée du jeune poète, l’importance que lui avait prêtée Tieck, lorsqu’il écrivait sa notice biographique. « Que toute l’existence philosophique et morale d’un homme, tel que Novalis, ait été façonnée et déterminée par la mort d’une jeune fille, presque d’une enfant, qui n’avait, semble-t-il, de remarquable que sa beauté — qualité bien éphémère à tout prendre — c’est là une conjecture qui paraîtra à tout le monde singulière… Pour des esprits tels que Novalis le bonheur terrestre n’a pas une douceur assez persuasive et assez égale pour ne pas leur enseigner tôt ou tard la grande doctrine du Renoncement… » (op. cit. p. 14).

Ce que Carlyle admire ensuite le plus en Novalis, ce sont ses facultés de métaphysicien. « Nous dirons que la qualité maîtresse de Novalis à nos yeux c’est l’extraordinaire subtilité de son intelligence, ses facultés d’abstraction intense, qui lui permettent de poursuivre, avec des yeux de lynx, les idées les plus obscures et les plus insaisissables, à travers tout leur enchevêtrement, jusqu’aux extrêmes limites de la pensée humaine. Il était très versé dans les mathématiques et, nous le croyons volontiers, très épris de cette science ; mais il réalisait une forme d’esprit bien plus subtile que celle qu’exigent les mathématiques, où la pensée est soutenue par des symboles visibles et s’aide d’instruments matériels… Cette puissance de méditation abstraite, lorsqu’elle atteint à une pareille précision et à une pareille lucidité, est d’une espèce plus haute et plus rare : son élément propre, ce ne sont pas les mathématiques, mais bien plutôt cette mathesis, dont on a dit que plus d’un calculateur l’ignorait totalement » (ibid. p. 52). — Par contre le puritain anglais se sent peu de sympathie pour la Sehnsucht romantique, pour toutes ces dispositions sentimentales et un peu maladives de l’âme germanique, et même aux poésies religieuses de Novalis il reproche leur manque de concision et de vigueur dans l’expression. « Son principal défaut nous semble être une mollesse excessive, un manque de concision