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Page:Spenlé - Novalis.djvu/464

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NOVALIS DEVANT LA CRITIQUE

et les Hymnes à la Nuit, un grand drame moral, sincèrement et profondément vécu, affectant un caractère de plus en plus religieux. « Peut-on imaginer un spectacle plus sublime que celui d’un homme, qui se croit une force d’âme suffisante pour pouvoir, par un acte de liberté, par une aspiration surnaturelle, s’arracher peu à peu à toutes les séductions de la chair et de la jeunesse, se détacher d’un monde bien-aimé ? Il a si profondément vécu son idéalisme qu’il a cru pouvoir élever son moi impérissable jusqu’à ce suprême affranchissement, jusqu’à cette suprême immortalité… La force qui triomphe de la mort, tel apparut désormais à Novalis, à la suite d’une révélation nouvelle, le Christ qu’il adorait ; la religion qui triomphe de la mort, tel lui apparut le christianisme où il avait grandi et qu’il venait de reconquérir » (die Blüthezeit der Romantik, op. cit. p. 75). —

Cependant une récente étude biographique de M. Heilborn (Novalis der Romantiker, Berlin, 1901) est venue jeter un jour nouveau sur certains points de la vie intime du poète. Grâce aux documents inédits qu’il a pu consulter, l’auteur a définitivement réduit à néant un certain nombre de légendes. C’est ainsi que le premier amour de Novalis apparut tel qu’il était réellement : un caprice de jeune homme, où l’imagination tenait plus de place que le cœur. Il en est de même du deuil qui frappa le jeune fiancé : il s’agit là d’une attitude très voulue, d’une auto-suggestion qu’il s’est donnée à lui-même. — Novalis n’était rien moins qu’un puritain dans la vie privée. Le fond moral de son tempérament, si on le dégage de certaines formules mystiques, c’est un culte très raffiné de la volupté, un sensualisme éthéré. Tout en gardant à la défunte un souvenir religieux, il se passionnait pour les charmes très concrets, semble-t-il, et très épanouis d’une jeune beauté florissante et coquette. Déjà les contemporains avaient remarqué ce double aspect de sa vie. « Madame Schlegel nous parle souvent de Novalis », écrivait Justinus Kerner ; « elle prétend qu’il était dans la vie ordi-