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ÉTHIQUE

aussi en juger d’après la leur propre, et ainsi ont-ils admis que les Dieux dirigent toutes choses pour l’usage des hommes afin de se les attacher et d’être tenus par eux dans le plus grand honneur ; par où il advint que tous, se référant à leur propre complexion, inventèrent divers moyens de rendre un culte à Dieu afin d’être aimés par lui par-dessus les autres, et d’obtenir qu’il dirigeât la Nature entière au profit de leur désir aveugle et de leur insatiable avidité. De la sorte, ce préjugé se tourna en superstition et poussa de profondes racines dans les âmes ; ce qui fut pour tous un motif de s’appliquer de tout leur effort à la connaissance et à l’explication des causes finales de toutes choses. Mais, tandis qu’ils cherchaient à montrer que la Nature ne fait rien en vain (c’est-à-dire rien qui ne soit pour l’usage des hommes), ils semblent n’avoir montré rien d’autre sinon que la Nature et les Dieux sont atteints du même délire que les hommes. Considérez, je vous le demande, où les choses en sont enfin venues ! Parmi tant de choses utiles offertes par la Nature, ils n’ont pu manquer de trouver bon nombre de choses nuisibles, telles les tempêtes, les