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ÉTHIQUE

sence d’esprit et la force d’âme. Mais on doit noter qu’en ordonnant nos pensées et nos images il nous faut toujours avoir égard (Coroll. de la Prop. 63, p. IV, et Prop. 59, p. III) à ce qu’il y a de bon en chaque chose, afin d’être ainsi toujours déterminés à agir par une affection de Joie. Si, par exemple, quelqu’un voit qu’il est trop épris de la Gloire, qu’il pense au bon usage qu’on peut en faire et à la fin en vue de laquelle il la faut chercher, ainsi qu’aux moyens de l’acquérir, mais non au mauvais usage de la Gloire et à sa vanité ainsi qu’à l’inconstance des hommes, ou à d’autres choses de cette sorte, auxquelles nul ne pense sans chagrin ; par de belles pensées en effet les plus ambitieux se laissent le plus affliger quand ils désespèrent de parvenir à l’honneur dont ils ont l’ambition, et ils veulent paraître sages alors qu’ils écument de colère. Il est donc certain que ceux-là sont le plus désireux de gloire qui parlent le plus haut de son mauvais usage et de la vanité du monde. Cela, d’ailleurs, n’est pas le propre des ambitieux, mais est commun à tous ceux à qui la fortune est contraire et qui sont intérieurement