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ÉTHIQUE

éternelle, et telles qu’elles ne craignent guère la mort. Mais, pour connaître cela plus clairement, il faut considérer ici que nous vivons dans un changement continuel et qu’on nous dit heureux ou malheureux, suivant que nous changeons en mieux ou en pire. Qui d’enfant ou de jeune garçon passe à l’état de cadavre, est dit malheureux, et, au contraire, on tient pour bonheur d’avoir pu parcourir l’espace entier de la vie avec une Âme saine dans un Corps sain. Et réellement qui, comme un enfant ou un jeune garçon, a un corps possédant un très petit nombre d’aptitudes et dépendant au plus haut point des causes extérieures, a une Âme qui, considérée en elle seule, n’a presque aucune conscience d’elle-même ni de Dieu ni des choses ; et, au contraire, qui a un Corps aux très nombreuses aptitudes, a une Âme qui, considérée en elle seule, a grandement conscience d’elle-même et de Dieu et des choses. Dans cette vie donc nous faisons effort avant tout pour que le Corps de l’enfance se change, autant que sa nature le souffre et qu’il lui convient, en un autre ayant un très grand nombre d’aptitudes et se rapportant à une Âme consciente au plus haut point