Page:Spinoza - Éthique, trad. Appuhn, 1913.djvu/681

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
677
notes

qui se forment dans l’âme, peuvent être dans une certaine mesure par l’exercice soumises à la raison. La Lettre 17 adressée à Pieter Balling contient une bien précieuse indication à ce sujet : un homme qui en aime un autre et qui a l’esprit occupé de lui s’assimile en quelque sorte l’essence de cet autre, et son corps en est modifié ; une idée qui soutient avec l’idée de notre propre corps quelque rapport de filiation légitime (c’est pourquoi Spinoza prend comme exemple un père pensant à son fils) s’incorpore en nous, attestant la puissance de notre âme et son aptitude à produire pendant la durée du corps des représentations ayant leur origine en elle. Ainsi est rendue possible la création artistique, libre et rationnelle, ou tendant du moins à l’être, expression de la personnalité de l’artiste, laquelle est essentiellement connaissance. Spinoza n’a guère développé à la vérité cette théorie de l’imagination active et, dans la cinquième Partie, s’en tient à des considérations d’ordre moral ; de même, il ne développe pas la théorie de la mémoire considérée dans son rapport avec l’entendement ; elles sont l’une et l’autre pressenties, indiquées en quelques mots, non exposées ; c’est pourquoi je crois devoir appeler sur elles l’attention du lecteur.


Proposition XVIII, Scolie. — Sur la mémoire, voir particulièrement le Traité de la Réforme de l’Entendement (§ 44) et la note explicative (vol. I, p. 541).


Propositions XX à XLVII. — Toute cette section de l’Éthique traite de la connaissance ou de l’âme en tant que capable de connaissance. Nous nous élevons de la conscience simple à la conscience réfléchie, l’idée de l’idée ; nous savons que nous sentons et imaginons, nous formons ainsi l’idée de nous-mêmes (l’idée du moi nécessairement inadéquate) ; Spinoza montre ensuite que l’erreur consiste uniquement en une privation de connaissance, un manque de perception, et non seulement il explique la nature de l’erreur, mais prouve qu’elle est inévitable : un être qui ne se conçoit point par lui-même et dont les pensées successives ne s’engendrent pas les unes les autres, a nécessairement des idées inadéquates, et nos représentations, en tant qu’elles expriment l’état du corps, ne sont point modifiées au moins directement par la connaissance du vrai ; de sorte que, même sachant à quelle distance est le soleil, nous continuons de le voir ou de l’imaginer proche de nous (Scolie de la Prop. 35). Pour parvenir à voir ou imaginer les choses conformément à leur nature vraie, il faudrait que nous eussions réussi à mettre dans le corps lui-même un ordre conforme à la raison et à nous donner ainsi une imagination active (voir la note relative à la