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DIEU, L’HOMME ET LA BÉATITUDE

Par là, il est facile de comprendre que si nous usons bien de notre raison, nous ne pouvons avoir de haine ni d’aversion contre aucune chose, parce qu’en agissant ainsi nous nous priverions nous-mêmes de la perfection qui est dans cette chose. La raison nous enseigne aussi que nous ne pouvons avoir de haine contre personne : en effet, pour tout ce qui est dans la nature, si nous voulons en tirer quelque chose, nous devons nous efforcer de le changer en mieux, soit pour notre âme, soit pour la chose elle-même. Et comme, de tous ces objets que nous connaissons, l’homme parfait nous est le meilleur, c’est aussi le mieux pour nous et pour tous les autres hommes que nous essayions de les élever à cette perfection, car alors nous retirerons d’eux le plus grand fruit, comme eux de nous-mêmes. Le moyen pour cela est de les traiter toujours comme nous sommes avertis de le faire par notre bonne conscience, parce que jamais elle ne nous conduit à notre perte, mais au contraire à notre béatitude et à notre salut.

Terminons en disant que la haine et l’aversion ont en elles autant d’imperfection que l’amour a de perfection, car celui-ci tend toujours à changer les choses en mieux ; il tend vers l’accroissement et la force, qui est une perfection ; tandis que la haine tend à la destruction, à l’affaiblissement, à l’annihilation : ce qui est l’imperfection même.