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DE LA VOLONTÉ

On pourra nous objecter que, si c’est la chose elle-même qui en nous se nie ou s’affirme (et non pas nous-mêmes qui nions ou affirmons), s’il en est ainsi, rien ne peut être nié ou affirmé qui ne soit d’accord avec la chose ; et alors, par conséquent, il ne peut y avoir aucune fausseté, car le faux consiste, avons-nous dit, en ce que l’on affirme ou l’on nie d’une chose ce qui ne s’accorde pas avec elle, c’est-à-dire précisément avec ce qu’elle ne nie pas ou n’affirme pas d’elle-même. Mais je pense que, si l’on fait attention à tout ce que nous avons dit, sur le vrai et sur le faux, on trouvera que cette objection a été suffisamment réfutée. En effet, avons-nous dit, c’est l’objet qui est la cause de ce qui est affirmé ou nié de lui, du vrai comme du faux : seulement le faux consiste en ce que nous n’apercevons d’un objet qu’une partie, et que nous nous figurons que c’est l’objet lui-même tout entier qui nie ou affirme telle chose de lui-même considéré comme tout : ce qui arrive surtout dans les âmes faibles, qui reçoivent facilement, par la plus faible action de l’objet, une idée dans leur âme, en dehors de laquelle ils ne peuvent rien affirmer ou nier.

Enfin on dira encore qu’il y a bien des choses que nous pouvons vouloir ou ne pas vouloir, comme par exemple affirmer ou nier, dire la vérité ou ne pas la dire. Cette objection vient de ce que l’on ne distingue pas assez le désir de la volonté. Car, quoique l’un et l’autre soient une affirmation ou une négation d’une chose, elles diffèrent cependant en ce que la dernière est dite sans aucun égard à ce qu’il peut y avoir de bon et de mauvais dans la chose, et le premier au contraire a égard à ce point de vue ; c’est pourquoi le désir, même après l’affirmation et la négation que nous avons faite d’une chose, demeure encore, à savoir le désir d’obtenir ce que nous avons