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XIV
INTRODUCTION

Reste la seconde, à savoir celle d’une substance qui serait limitée par une cause autre qu’elle-même. Or cette cause ne la limiterait que par défaut de puissance ou par défaut de bonté : le premier est incompatible avec la toute-puissance de Dieu, le second avec sa nature, qui est toute bonté et toute plénitude.

On voit ici que Spinoza ne fait pas grands frais d’invention pour démontrer son hypothèse. Il se contente de reprendre à son compte le vieux dilemme contre la Providence tiré de l’existence du mal. Mais cet argument n’a aucune force pour établir le panthéisme ; car s’il est contraire à la nature de Dieu, à sa puissance et à sa bonté de produire des substances imparfaites, combien ne serait-il pas plus contraire encore à son essence d’être le propre sujet de ces imperfections et de ces limites ? On comprend que Dieu, s’il produit d’autres substances que lui, ne puisse les faire égales à lui-même : cette impuissance n’a rien qui le diminue ; mais ces imperfections, qu’on lui imputerait à crime si elles étaient dans la créature, comment pourraient-elles se trouver en lui-même sans altérer sa perfection ? C’est là une contradiction dont le panthéisme ne s’est jamais dégagé. C’est donc un argument très-insuffisant pour établir l’unité de substance.

Quant à la seconde proposition, à savoir qu’il n’y a pas deux substances égales, l’argument de Spinoza n’est autre que celui qui est employé depuis longtemps dans les écoles et reproduit par Fénelon pour prouver l’unité de Dieu. Étant supposé en effet (par la proposition précédente) qu’il n’y a pas de substances finies, toute substance doit être infinie ; il ne s’agit plus que de prouver qu’il ne peut pas y avoir deux infinis, c’est-à-dire deux dieux, car l’un limiterait l’autre, et aucun d’eux ne serait infini ; c’est ce qu’a démontré Fénelon : si même l’on voulait comparer l’argumentation de Spinoza à celle de Fénelon, relativement à l’unité de la


    athées) mais qu’il est infiniment parfait ; ce qui n’implique pas qu’il ne puisse y avoir, en dehors de lui et par lui, quelque être fini et imparfait.